Note de l’auteur : cet article représente uniquement une opinion personnelle. En aucun cas il ne vient nier la gravité d’une dépression chronique ou le besoin d’une prise en charge clinique de certains cas. Les positions exprimées dans cet article ne cherchent pas à remplacer ou à s’opposer à un avis médical professionnel.
La période particulière que nous vivons nous incite à nous poser clairement la question du rythme : rythme quotidien, rythme planétaire, rythme collectif… Si toutes les activités extérieures s’arrêtent, et que mon horizon se réduit aux quatres murs et aux quelques personnes avec qui je suis confiné·e, ma vie est-elle suffisamment excitante ?
Si je ne peux plus aller chercher la stimulation à l’extérieur, quel carburant trouver pour continuer à nourrir mon feu intérieur ? Méditer, lire, peindre, s’abreuver de séries TV ou d’alcools et drogues en tout genre sont des activités encore possibles aujourd’hui. La distraction est toujours une option.
Mais profondément, sommes-nous capables à échelle collective de descendre dans l’invitation du moment, sans chercher à résister ou combler le vide ?
La stimulation comme moyen de compensation
La fréquence quasi-frénétique de nos interactions, déplacements et l’intensité de nos stimulations ne cesse de croître : nous n’avons jamais autant consommé, réfléchi, partagé, créé, échangé, et tout ça avec un délai quasi-nul entre la pensée et la réalisation concrète. Tous les outils à disposition aujourd’hui nous permettent de mettre instantanément des mots, des couleurs, des sons sur la moindre inspiration qui nous vient.
Retaper une maison, apprendre le coréen, devenir violoniste, faire une vidéo Youtube ou peindre un tableau puis le publier sur Facebook : toutes ces possibilités sont incroyablement accessibles.
Derrière cela se cache une réalité assez abrupte : nous vivons sous perfusion. Notre système économique est sous perfusion de pétrole, notre système bancaire est sous perfusion de liquidités, notre système hospitalier est sous perfusion d’énergie insufflée par des employés épuisés, notre cerveau est sous perfusion de dopamine et notre corps sous perfusion de sucres rapides.
Nous pouvons continuer à entretenir l’illusion que tout fonctionne, quitte à glisser dans un acharnement aveugle, mais tant de stimulation et d’intensité, tout ce stress (positif ou négatif, peu importe) nous amène à une seule issue : la dé-pression.
La dé-pression, pendant naturel du stress
Vous vous levez un matin. Votre tête est lourde. Vous avez du mal à démarrer la journée. Mais on vous attend à 9h pour une réunion importante ou un début de chantier. Vous vous devez d’être à l’heure. Vous vous devez d’être disponible, efficace, présent, réactif. Vous prenez une douche rapide, un café serré / un kriya de kundalini yoga / une cuillère de guarana ou autre excitant, et vous voilà partis. Vous avez déjà vécu cela ?
Ce qui nous attend aujourd’hui, c’est le pendant naturel de cet état de sur-stimulation du sytème imposée par l’injonction à être productifs. La dé-pression, c’est simplement le revers de la médaille, le moment où le système se relâche et intègre la pression qu’il a supporté précédemment. Concrètement : on se sent apathique, amorphe, le canapé nous aspire vers le bas, aucune envie particulière n’émerge, et aucun projet ne semble attrayant. Nous sommes simplement, ce jour-là et peut-être les suivants, « bons à riens ».
Pour éviter cet état ou l’écourter le plus possible, les stratégies qu’on a évoquées vont évidemment fonctionner. Pendant un temps. Mais chaque fois que cette fatigue normale n’est pas écoutée, qu’on ne lui a pas laissé la place d’être vécue, d’être profondément ressentie et intégrée, nous tirons un peu plus sur la corde. L’élastique a un mouvement naturel : plus on tire dans un sens, plus le retour est fort dans l’autre sens quand on lâche.
Aujourd’hui, nous sommes à un tel niveau de tension, de stress individuel et collectif, que lâcher nous est devenu quasiment impossible : la perspective de la chute, du contrecoup, est trop effrayante. Alors on continue.
Difficile d’entendre que la dépression n’est pas le problème, mais la solution.
La dépression froide, le message caché
En Kundalini Yoga, on parle de « dépression froide » pour décrire cet état bien spécifique où tous les voyants sont au rouge, mais on continue néanmoins à fonctionner normalement dans le monde, par habitude, par inertie, avec le sourire même parfois, par peur aussi d’ouvrir une brèche qui ferait apparaître tout ce qui n’a pas été adressé ni vu pendant des années.
L’autre nom utilisé est « le silence de l’âme ».
Concrètement, le corps est toujours fonctionnel, mais la distance avec nous-même est tellement grande qu’on est complètement déconnectés à l’intérieur. Ce n’est pas un cas particulier ou un symptôme isolé : c’est une réalité que nous traversons à échelle collective lors des grandes périodes de transition planétaires, comme celle que nous vivons en ce moment.
« La dépression froide se produit lorsque la demande externe est supérieure à la capacité interne de tolérance et que nous avons épuisé nos réserves. Nous sommes déprimés mais nous sommes tellement engourdis et insensibles à notre propre moi que nous ne le sentons pas. La dépression est donc «froide». Nous sommes coupés de notre esprit, de notre source, de notre force et de notre guidance intérieure. À la base, il y a un sentiment profond de solitude, un sentiment d’anxiété dominant et une perte de sens.
Nous combattons instinctivement l’engourdissement de la dépression froide en adoptant un comportement qui répond au besoin de stimulation. Une personne en dépression froide ne semble pas déprimée pour elle-même ni pour les autres. C’est parce qu’elle est occupée, active et semble sous tension. Elle peut surcharger, créer des «urgences» ou boire 6 boissons énergisantes par jour. Elle peut s’adonner à des sports extrêmes, à la prise de risques ou à la toxicomanie. L’insensibilité de la dépression froide entraîne réactivité, impatience et drame. »
Source – Manuel de Kundalini Yoga Niveau 2 – Stress & Vitalité
L’abandon comme unique solution
Lorsque les systèmes nerveux et glandulaires sont épuisés et surchargés à ce point, la seule solution est l’arrêt des stimulations extérieures. Cela est très perturbant au début car nous en dépendons entièrement pour nous sentir vivants : socialement, c’est très difficile d’entendre « je suis en dépression ».
Si nous cherchons à compenser et à sortir de cette phase à tout prix, impossible d’en tirer les fruits qui sont pourtant extrêmement précieux. Me laisser plonger dans le silence, l’inactivité et l’ennui, jusqu’à réellement toucher le fond de cet abysse, est une façon de réparer tous les dégâts produits par le manque d’écoute des rythmes naturels du vivant pendant toutes ces années.
À échelle d’une terre agricole, ce serait l’équivalent de laisser le vivant reprendre le contrôle et arrêter de défricher, labourer, cultiver, planter et récolter en permanence. C’est comme cela que la richesse du sol peut à nouveau se construire, très doucement, et atteindre une résilience que plus rien ne pourra entamer au bout d’un certain temps.
Alors, en disant cela, viennent immédiatement les peurs liées à la dépression : si je connais quelqu’un de proche qui est dépressif, je cherche à le réconforter, à lui changer les idées, à faire qu’il aille mieux… sinon j’ai peur que cela aille trop loin, parfois jusqu’au suicide. Mais en réalité le suicide intervient seulement lorsqu’on résiste à la situation, au point où la résistance – comme rejet de la dépression telle qu’elle est – devient intolérable. Si je la laisse exister, vivre son cheminement jusqu’au bout, naturellement, elle va finir par arriver à son terme… et prendre une nouvelle forme.
Cela peut aller jusqu’au moment où je n’ai plus aucune énergie pour entretenir un quelconque projet, espérer une quelconque solution. L’idée même de sortir de mon lit, de m’en sortir, d’aller mieux, s’éteint. Là n’est pas la fin : c’est la naissance d’une énergie beaucoup plus douce, lente et subtile, qui peut prendre le relai.
Car enfin, pour la première fois peut-être, un changement s’est produit en moi. J’ai arrêté de lutter. Il n’y a même plus de monstre contre lequel mener un combat : il n’y a plus que moi.
Derrière l’ennui : une joie infinie
Toutes les injonctions à être efficaces, utiles, productifs, nous empêchent de nous abandonner simplement à ce qui est vraiment là : lâcher les prétentions à accomplir quelque chose, à devenir quelqu’un, à convaincre d’avoir raison, à sauver quelqu’un d’autre, bref, à vouloir à tout prix exister.
Et se détendre à un niveau tellement profond qu’on peut à peine le décrire en mot.
Certes, la perspective de sombrer dans la dépression n’est pas la plus attrayante qui soit : mais les mots sont chargés de sens, et celui de dépression est devenu extrêmement négatif, alors qu’il ne porte qu’une charge neutre, l’opposée de la pression. En Kundalini Yoga, on fait toujours suivre un kriya (série d’exercices physiques) par un temps de relaxation profonde sur le dos.
La question qui se pose est la suivante : à échelle de notre vie, quelle est la place donnée à cette relaxation totale, c’est à dire à l’arrêt des tendances du mental à vouloir contrôler, planifier, choisir et créer, et à l’arrêt de la tendance du corps à se crisper en conséquence ?
C’est l’invitation de cette période : réellement accepter l’ennui, l’impuissance. Pas pour atteindre, ni devenir quelque chose de mieux ensuite. Juste parce que c’est là. Et s’offrir la possibilité inestimable de trouver, au bout du processus, la véritable source d’énergie qui gît en profondeur en chacun·e d’entre nous, et qui ne dépendra jamais des circonstances extérieures.
Si on peut descendre assez loin, dans cet espace de silence où tout n’est qu’écoute, totale, inconditionnée, alors nous pouvons toucher du doigt cette joie indescriptible, sans objet, dont parlent maîtres spirituels, sages en tout genre et êtres réalisés.
Méditation pour sortir de la dépression
Et comme le paradoxe est inhérent aux enseignements spirituels, on vous propose quand même une pratique enseignée en 1979 pour sortir de la dépression. « Sortir de la dépression » c’est en fait accepter totalement ce qu’elle à amener comme message, rentrer complètement dans son rythme et avoir accès à la guérison profonde qu’elle peut offrir.
Il a enseigné cette méditation pour nous recharger totalement, comme un antidote à la dépression. Elle construit un nouveau système biochimique, donne la capacité et l’envergure pour faire face à la vie, et elle établit une relation directe avec le corps pranique.
Instructions :
Asseyez-vous en tailleur avec la colonne vertébrale bien droite et les bras tendus devant vous, parallèles au sol. Fermez la main droite en forme de poing, entourez-la avec les doigts de la main gauche (Voir schéma ci-dessus). Les bases des 2 paumes sont en contact. Les pouces sont accolés et dressés à la verticale. Le regard est tourné vers les 2 pouces.
Inspirez en 5 secondes, et, sans retenir votre souffle, expirez en 5 secondes, puis restez poumons vides pendant 15 secondes.
Poursuivez ce cycle en commençant par 3 minutes et progressez lentement jusqu’à 11 minutes. Vous pouvez aussi retenir votre souffle jusqu’à 1 minute.
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